La ville émotionnelle 

Camila Acevedo & Fandin - 2021-2022
La ville émotionnelle voit le jour en opposition aux villes fonctionnelles du 20ème siècle. Elle place le vivant au centre de son développement et se base sur les cycles naturels tel que les cycles lunaires. Les dynamiques d’exploitation de la terre, des animaux, des hommes et des femmes, considérées jusqu’ici comme des ressources sont dissoutes dans une logique anticapitaliste de décroissance. La ville émotionnelle s’inscrit dans un territoire qu’elle respecte et qui ne lui appartient pas. Le concept de propriété privée lui est étranger pour laisser place aux valeurs collec-tives et au biens communs. Chaque habitant.e.s a le rôle de «gardien.ne.s» du territoire qu’iel occupe pour reprendre les mots de l’avocate, juriste en droit de l’environnement et des peuples autochtones Marine Calmet. Cette dernière milite pour obtenir la reconnais-sance juridique des droits de la nature et de l’écocide. En résonance avec cette notion de gardien.ne.s de la nature, dans ce collage, le groupe d’écofeministe de Greenham veille sur la ville émotionelle et les écoféministes illustrée par Anna Wanda Gogusey défilent dans ses rues. Les rues et autres espaces publics sont primordiaux pour la ville émotionnelle, ce sont des espaces d’échange, de rencontre et d’expression pour tous.tes les habitants.es. Les enfants, les femmes et les personnes agées s’y sentent en sécurité et occupent les centres urbains, où ils étaient jusque là sous-représentés. Dans l’émoville, les femmes participent de manière égale aux prises de décisions et à l’aménagement du territoire. Pour illustrer ce propos, des miniatures tirées du manuscrit «la cité des dames», récit allégorique de Christine de Pizan, poétesse et philosophe du moyen âge, sont répartis le long de la rue. L’organisation en coopérative des logements induit une co-bienveillence, favorise les rapports de voisinage ainsi que le sentiment d’appartenance a une communauté. Cela permet également de réduire les violences domestique et l’isolement des personnes au foyer. En effet, au cour du 20ème siècles, les théoriciens et architectes des villes fonctionnelles ont opéré par «zoning» de manière a créer des «cités dortoirs». Cette dénomination occulte l’occupation quotidienne de ces lieux par les enfants en bas âge, les personnes au foyer et les retraités.es. Une invisibilisation et un dévalorsation des tâches domestiques ont conduit a un isole-ment important de ces personnes. La coupe dans la partie inférieure du collage repré-sente bien la vision des tâche domestiques par le passé, la théoricienne Alice Constance Austin développe un quartier utopique dans lequel les maisons ne sont pas pourvues de cuisines ni de buanderies, les repas ainsi que du linge propre sont livrés quotidien-nement par un train souterrain. L’idée du collage était de retourner ce système et de re-mettre on lumière le travail non salarié important que sont les tâches domestiques. Nous pouvons également noter le travail de la théoricienne Charlotte Perkins Gilman qui, à la même époque, avait développé un concept «d’hôtel – appartement», où les logements ne sont constitués que de chambre et de pièces à vivre. Les cuisines et autres services sont collectifs, et cela afin de lutter contre l’isolement des femmes au foyer. Nous pou-vons y voir les prémices du «cluster» aujourd’hui largement répandu. La ville émotionnelle valorise les tâches domestiques qui sont prises en charge de ma-nière égalitaire entre les membre d’un foyer. Le temps de travail salarié classique est réduit de manière a laisser a chaque individu le temps de s’investir dans la vie de son quartier, de s’occuper des enfants et des personnes agées ou de se livrer a d’autres activités. A même titre, le travail de «care» (soins) jusqu’alors assumé principalement par les femmes est reconnu socialement comme prépondérant dans le bon fonctionnement de la ville émotionnel et est pris en charge collectivement. Les savoirs ancestraux des soigneuses, des médecines et des sage femme sont respectés et non pas considérés comme déviant comme ce fut le cas lors des chasses aux sorcières qui on mené au plus grand féminicide d’Europe avec un nombre de victime estimée à 60’000. La présence des sorcières est omniprésente dans ce collage car elles font le trait d’union entre toutes les thématiques sociales et les valeurs écologiques de la ville émotionnelle. Elle font à la fois écho à la lutte contre le patriarcat et le capitalisme mais aussi la connaissance de la nature, des plantes et des cycles qui régissent notre univers. L’émoville rend hom-mage a toutes les sorcières et les femmes brulées , violées, torturées et invisibiliées par l’histoire.